Pourquoi notre cerveau déforme-t-il les souvenirs ?
Avez-vous déjà eu l’impression de vous souvenir de faits qui ne se sont jamais produits ? Ce phénomène s’appelle la confabulation : une déformation de la réalité en raison de la perte d’informations. « On devrait plutôt parler de reconstruction », explique Sophie Millot, psychologue, psychothérapeute et clinicienne du travail. Elle ajoute : « Tous les événements traités par notre cerveau ne laissent pas de traces marquantes. Notre mémoire sélectionne ce qui nous surprend, ce qui nous émeut. Elle collationne les événements et les réécrit lorsque le souvenir est rappelé à la surface par un stimulus : image, photo, parfum, lieu. Le cerveau reconstitue un souvenir à partir de différentes pièces et comble les vides. Nos souvenirs sont donc le produit d’une réécriture ».
Différentes formes
Il existe deux types de confabulations. Les confabulations momentanées (ou provoquées) consistent à ajouter des éléments à nos souvenirs ou à légèrement les modifier quand nous sommes obligés de nous rappeler un événement dans le détail. Elles sont pour la plupart fugaces. Les confabulations fantastiques (ou spontanées) se manifestent sans incitation particulière. En plus d’avoir des souvenirs erronés, les personnes concernées agissent en fonction de ces fausses idées.
Déconnexion du cerveau
Selon certains scientifiques, les confabulations spontanées seraient liées à la déconnexion temporaire du cortex orbitofrontal, situé au-dessus des yeux. Les confabulations provoquées, quant à elles, seraient associées à un défaut du contrôle de la mémoire ou à la difficulté d’ancrer dans le temps des souvenirs en particulier.
Des faux souvenirs qui n’en sont pas
Peut-on dire que ces souvenirs sont réellement faux ? Pas exactement. « Disons que la mémoire peut déformer un évènement passé. Mais lorsqu’on parle de faux souvenirs, il s’agit du résultat d’une suggestion. Certaines méthodes qui provoquent un état de conscience modifié favorisent la création de faux souvenirs. À force de répétitions, le pseudo-souvenir s’enrichit et prend les contours de la réalité », commente la psychologue.
C’est grave docteur ?
Nombre de nos souvenirs ne sont donc pas fidèles à la réalité. Mais ce constat n’est pas inquiétant pour autant, car notre mémoire se modifie de façon inexorable. À chaque fois que nous évoquons un souvenir, nous l’enregistrons à nouveau et le faisons évoluer en fonction du contexte. Cela permet à la mémoire de rester flexible. « Nous gardons de vifs souvenirs de moments heureux ou malheureux, et nous lissons ce qui nous dérange ou ne nous intéresse pas. Les souvenirs ne sont certes pas le reflet réel du passé, mais ils nous servent de références pour nous repérer dans l’existence. Peu importe, au fond, s’ils ne sont pas infaillibles », conclut Sophie Millot.